Deuxième partie
Pour la petite
histoire, j’ai voulu au départ intituler cet article : le
« doudou » ou l’histoire d’un objet transitionnel devenu
indispensable. Le « doudou », une transition qui s’éternise ! Ou
carrément : Non au « doudou » exclusif ! Ce dernier
intitulé reflète mieux le fond de ma pensée. Aucun de ces intitulés ne collait
avec mon traditionnel saviez-vous
que…
Mon but n’est pas
de diaboliser celui-ci, ni de dire à Winnicott que ses observations ne sont
valables que pour son époque, mais plutôt
d’attirer notre attention sur la place que nous laissons l’objet occuper dans
la vie de nos enfants. Le raccourci que représente trop souvent cet objet
transitionnel (OT) quelques soient les raisons. Raccourci qui de mon point de vue met à mal
(si on n’y prend garde) les échanges verbaux, affectifs, physiques, tous ces
éléments qui font la relation.
En effet,
l’économie de mots (voire son absence) que nous faisons en présentant le doudou
comme réponse à beaucoup de maux, certes simplifie la vie à beaucoup d’entre
nous, mais participe et renforce l’attachement de l’enfant à l’objet.
A titre personnel, par
choix, nos trois enfants ont découvert « le doudou » dans des
structures collectives et n’en ont pas eu besoin pour vivre. La transition
s’étant faite pour les trois dans le relai progressif passé aux adultes
éducateurs et animateurs : la fameuse période d’adaptation.
J’ai pu observer
qu’en ne leur inculquant pas la nécessité d’un « doudou », quand bien
même pour faire comme les copains ils en choisissent un, d’une part, ils
survivent, mais d’autre part, l’attachement à celui-ci n’est pas vital.
N’importe quelle peluche pourrait faire l’affaire. L’essentiel semble donc se
jouer dans le sens que le parent attribue à cet objet et par conséquent
transmet à l’enfant au sujet de celui-ci.
Dans un contexte où le doudou est devenu la
norme, choisir de faire sans, c’est aller à contre courant. Le courant étant
fort, il vaut mieux savoir comment s’y prendre en amont. Nos bébés, beaucoup plus qu’on ne le pense
sont bel et bien à même d’intégrer qu’ils sont capables de dormir sans avoir
recourt à quelque chose d’extérieur à eux.
Je revois encore
notre dernière de trois ans (deux et demi au moment des faits) me réclamant une
peluche en particulier pour sa nuit, il n’était certes pas question pour moi de
me lancer à la recherche de celle-ci. Elle a bien entendu refusé l’une des
multiples peluches disponibles dans sa chambre. Plutôt que de tergiverser sur
celle qu’elle réclamait, et surtout n’ayant aucune envie de descendre pour
remonter, encore moins de la sortir de sa gigoteuse pour qu’elle aille la
chercher, j’ai attrapé la plus proche en lui expliquant que celle-là n’avait
jamais eu la chance de l’avoir tout près d’elle et que j’imagine qu’elle
apprécierait que ce soit son tour cette fois-ci. L’autre, elle la retrouverait le
lendemain où elle l’avait laissée. Et qu’après tout, elle est capable de
s’endormir sans, elle a tout ce qu’il faut en elle pour y arriver et n’en a pas
besoin.
-
Lui a besoin de toi (entendez par
là, c’est un privilège pour l’objet d’être choisi par elle comme compagnon de
sommeil) mais pas toi !
C’est avec cette
peluche qu’elle passa la nuit sans geindre, pleurer ou crier… ô miracle !
Je vous raconte cet
épisode persuadée que si notre demoiselle en devenir avait été habituée au
« doudou » exclusif, la fin de l’histoire n’aurait certainement
pas été la même.
L’autre fond de ma
pensée est que leur véritable sécurité vient de l’intérieur et non pas de
l’extérieur (mais il s’agit là, d’un tout autre sujet).
Quand bien même
l’enfant créerait ou trouverait son OT de lui-même, y mettre un cadre
me semble faire partie de notre responsabilité parentale. A chaque parent de
délimiter les lieux, moments et pièces autorisés ou interdits. En le faisant,
non seulement vous n’en faites pas un « accro » au doudou, mais vous
poser également les jalons de votre future discipline. Il vaut mieux pour votre
enfant que ce soit vous qui dirigiez ! Contrairement à une
pratique très répandue de nos jours…
Dans la première partie de cet article, j’ai terminé par le constat selon lequel nous sommes loin de l’OT ! Comment penser le contraire en voyant de grands enfants traîner leur « doudou » dans toutes les pièces de la maison, dans la rue, en jouant, en mangeant, en présence ou en l’absence des parents… ?
Les structures collectives s’adaptent, et l’école maternelle pour ne citer qu’elle, qui est un lieu de découvertes, d’éveil, d’apprentissage où l’enfant joue, fait de la peinture, du découpage, développe sa motricité, échange avec l’autre est bien obligée de composer. Tout cela est bien difficile avec ces objets, moitié dans la main, moitié dans la bouche.
Pailloux-Rotelli (2002)
affirme que l’idée de faire accepter à l’enfant qu’il doit laisser
momentanément ces deux objets (doudou et tétine) sans que cette séparation soit
trop douloureuse risque de provoquer chez certains un blocage important.
L’auteur raconte comment l’adulte doit faire preuve de doigté et de persuasion
pour mettre en place un rituel visant à défaire cette habitude à l’école
maternelle.
Cette première dépendance parfois imposée ou encouragée pose quelques questions :
-
En qui (quoi) l’enfant trouve son
réconfort ?
-
Quel message reçoit-il alors qu’il
construit les bases de son développement futur ?
-
A-t- il besoin de quelque chose
d’extérieur à lui pour dormir, se sentir bien, en sécurité, pour trouver la
consolation, pour aller mieux… ?
Même en faisant le
choix de considérer la fonction de l’OT
dans l’endormissement comme c’est le cas dans l’étude épidémiologique de
Govindama & Louis (2005) réalisée dans un groupe d’enfants lyonnais et
réunionnais de 12 à 24 mois, pourquoi ne pas laisser celui-ci dans la sphère
privée, dans un « espace intermédiaire d’expérience » ou dans des
contextes de séparation ? Pourquoi laissons-nous nos enfants le traîner partout ? Le leur
donnons-nous de manière systématique même quand nous devons les prendre dans
nos bras ou simplement leur faire comprendre que ce n’est pas le moment ?
Probablement parce que son usage dépasse largement une quelconque phase de transition et que l’habitude voire la dépendance est de mise.
Suite et fin le mois prochain…
Michelle Jourdan
Consultante / Coach Parental
Bibliographie :
Pailloux-Rotelli Dominique , « La tototte et le doudou à l'école
maternelle » ,Spirale, 2002/2 no 22, p. 97-98. DOI : 10.3917/spi.022.0097
Govindama Yolande
et Louis Jacqueline, “Endormissement et fonction de l’objet transitionnel chez
le jeune enfant entre 12 et 24 mois : une étude transculturelle »,
Devenir, 2005/4 Vol. 17, p. 323-345. DOI : 10.3917/dev.0323
Et vous, doudou ou pas doudou ?
Bonjour,
RépondreSupprimerMerci pour ce nouvel épisode de votre réflexion.
J'aimerais bien vous suggérer de traiter ensuite du sommeil, et de la préparation au sommeil. Si un enfant a souvent besoin de son doudou, c'est peut-être parce qu'on ne le prépare pas à dormir, à dormir seul, et calmement, peut-être aussi parce qu'on ne sait pas entendre et écouter ses craintes. C'est peut-être aussi parce que le lit est parfois une punition "Si tu n'est pas sage, je te mets au lit !" Il me semble qu'un enfant doive apprendre à s'endormir... et qu'un parent doive apprendre à coucher son enfant.
Encore merci pour vos articles qui font réfléchir.
Christian
intéressant article sur le doudou. Un autre regard que la norme actuelle. Sur mes 3 enfants, 1 seule a été doudou accro, c'est celle qui a aussi eu le plus de mal avec les séparations de tous ordres durant toute son enfance et adolescence. Si je t'avais connue à l'époque, j'aurais peut-être pu mieux l'accompagner pour surmonter son angoisse de séparation... :-)
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