Saviez-vous que le repérage des enfants perturbateurs dès la maternelle n’a pas de sens ?


Très chers lecteurs,

Ce mois-ci, je vous propose le résumé d’un article et quelques réflexions que ce travail m’a inspiré. Je remercie d’ailleurs Laurence Watier, co-auteure et chercheuse à l’INSERM de m’avoir fait parvenir l’intégralité de son travail.
En effet, en 2007, une étude épidémiologique « Comportement perturbateur, difficultés d’attention et apprentissages entre 3, 5 ans et 8 ans » est menée en milieu scolaire par L. Watier et ses collaborateurs.

Objectifs : examiner l’effet à long terme sur l’apprentissage de la lecture d’un comportement perturbateur signalé par les enseignants chez l’enfant de 3,5 ans, analyser les relations de ces difficultés de comportement avec les difficultés d’attention et rechercher le rôle possible de facteurs environnementaux.

Méthode : Les enseignants de petite section de maternelle ont évalué le comportement et les difficultés d’attention chez 2054 enfants ; 695 de ces enfants ont été revus en deuxième année du primaire (CE1) pour un examen de la lecture et une réévaluation de leur comportement et de leurs difficultés d’attention.

Résultats : la présence d’un retard en lecture n’était pas liée aux évaluations des enseignants à 3, 5 ans après prise en compte du rôle des facteurs environnementaux : niveau socioculturel de la famille, situation géographique de l’école. Les enfants avec signalement de comportement perturbateur à 3,5 ans et à 7à 8 ans étaient le plus souvent différents.

Conclusion : le retard dans l’apprentissage du langage écrit au début de la scolarité primaire n’est pas lié au signalement par les enseignants d’un comportement perturbateur à 3,5 ans. Ces observations sont discutées dans le cadre des entités nosographiques du DSM-IV (Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux) comportant un comportement perturbateur et un déficit d’attention chez l’enfant.

Cette étude met scientifiquement en évidence le lien qui existe entre déficit d’attention et difficultés d’apprentissage.

Ce que je trouve intéressant dans cette recherche, c’est que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, un enfant présentant « un comportement perturbateur » à 3,5 ans, n’aura pas forcément des difficultés dans l’apprentissage du langage écrit 4 ans plus tard. Le pourcentage des enfants non perturbateurs de petite section de maternelle devenus perturbateurs en CE1 semble plus élevé que celui des perturbateurs qui le sont restés ! M. Sarkosy avait donc tort ! Le « délinquant » de petite section de maternelle ne finira pas forcément aux Baumettes ou à Fleury Mérogis ! En revanche, soyez sûrs que s’il n’a pas de problème pour se concentrer en classe à 6 ans, cela ne pourra que l’aider pour la suite. Cette capacité ou pas à se concentrer… dépend aussi de… nous, en tant que parents !

L’investissement en temps, argent et en énergie déployé à repérer, dépister, cataloguer les enfants serait me semble-t-il plus efficace convertit en prévention. Former, informer, équiper, soutenir, accompagner les parents de niveau socioculturel bas ayant des enfants scolarisés en zones d’éducation prioritaire ou urbaine sensible doit devenir une priorité si nous voulons contribuer à réduire les difficultés d’attention et d’apprentissage, le retard en langage écrit de ces enfants. Et l’on sait à quel point ce domaine est déterminant pour la suite de leur parcours scolaire…


Références de l’article :

Comportement perturbateur, difficultés d'attention et apprentissages entre 3,5 ans et 8 ans : une étude longitudinale en milieu scolaire Original Research Article
Archives de Pédiatrie, Volume 14, Issue 3, March 2007, Pages 227-233
G. Dellatolas, L. Watier, I. Giannopulu, C. Chevrie-Muller